Comment DS se bat pour s'imposer dans le premium, malgré des ventes en chute

Avec un plan produit très creux, DS s'était jusqu'ici concentré sur le story-telling de sa marque et de ses valeurs... L'arrivée de la DS7 Crossback doit doit concrétiser cette ambition premium. Un travail titanesque pour une marque née en 2014 mais qui revendique un ADN qui remonte aux années 1960...

Il y est très attaché... En arrivant au « DS World », rue François 1er à Paris, la rue des boutiques de luxe qui croise la célèbre avenue Montaigne, Arnaud Ribault tient à cette petite visite du « salon » où DS a déployé une exposition dédiée à Marylin Monroe. « Ce sont des photographies extrêmement rares prises trois semaines avant sa disparition », explique à La Tribune, le directeur marketing et des ventes de DS.

Une carte postale

Impossible non plus de rater la DS7 Crossback présidentielle exposée au sous-sol du vaisseau amiral du réseau de la marque premium du groupe PSA. « Vous voyez les insignes de la République à l'avant, mais également sur les côtés, puis à l'intérieur il y a ces barres de maintien pour que le président puisse se tenir debout... », s'enthousiasme Arnaud Ribault. Le fanion tricolore a disparu, mais son support vertical est bien là... Pas de doutes, c'est la voiture officielle qui a transporté Emmanuel Macron au palais de l'Élysée le jour de son investiture (photo ci-dessous). Plus puissant encore que l'arrivée de François Hollande à bord d'une DS5 lors de son investiture en 2012, le choix du jeune président a été formidablement remarqué puisque le DS7 Crossback n'était pas encore (et ne l'est toujours pas) commercialisé...

Que ce soit Marylin ou l'Élysée, DS croit beaucoup aux symboles. C'est même la trame de l'ADN que cette marque s'est inventée avec l'espoir de ressusciter l'esprit de la DS d'origine, celle conduite par le Général de Gaulle, mais qui fascinait également le monde entier, comme une carte postale de cette époque. Marylin Monroe n'a probablement jamais conduit de DS, mais elle fait partie intégrante de cette carte postale!
Pour l'ancien patron de DS en Chine, DS est en train de vivre son émancipation en tant que marque à part entière grâce à ce travail de storytelling... « De plus en plus, dans l'opinion publique comme dans les médias, on parle de DS et non plus de Citroën-DS. Le DS7 Crossback y est pour beaucoup et l'événement autour de l'investiture présidentielle a mis ce changement en lumière. Nous assistons à une vraie rupture dans la perception de la marque DS ».

Quelle légitimité face au premium allemand ?

Car l'histoire récente de cette marque est, pour le moins, mouvementée... Lancée en 2014 seulement, suite à un spin-off de Citroën (c'est en fait une gamme dite distinctive qui a été exfiltrée pour devenir DS), la nouvelle marque a pour mission de positionner le groupe PSA sur le segment du marché premium.
Mais très vite les interrogations fusent : une marque avec trois modèles seulement ? Quelle légitimité premium pour des voitures construites à partir de Citroën ? Quel positionnement face au règne absolutiste des premiums allemandes ? Etc. Avec une contrainte majeure et incompressible : il faut quatre ans pour lancer de nouveaux produits. À l'époque, rien n'était donc possible avant 2018 ! On y arrive enfin aujourd'hui avec le DS7 Crossback et avec un plan produit de six modèles, au rythme d'un par an.
Mais en attendant, il n'était pas question de se tourner les pouces... Yves Bonnefont, directeur de la marque, et Arnaud Ribault, ont mis à profit cette période pour bâtir les fondations de la marque DS. « Nous sommes dans le temps que nous nous sommes imposé », assure Arnaud Ribault. Il fallait d'abord que DS se raconte, ou en langage marketing que la marque construise son storytelling pour se positionner. Et plus encore, il fallait inventer une histoire différente que celle racontée par le trio Audi-Mercedes-BMW. Pour Arnaud Ribault, DS est parvenu à construire une véritable identité de marque : le raffinement et la technologie, le luxe à la française ou encore l'avant-garde. Certains chez DS rêvent de devenir un nouveau petit Volvo qui a réussi à s'imposer sur le segment Premium y compris en Allemagne parce que le suédois a su raconter autre histoire.

Le cuir et l'expérience client, valeurs cardinales du luxe façon DS

DS a par exemple mis l'accent sur la culture sellière française pour soigner cette image. Le cuir est présent partout dans les communications de la marque. Des séries spéciales sont d'ailleurs totalement consacrées au cuir avec toujours cette mise en avant d'un travail artisanal dans le choix des cuirs et dans leur confection. Jeune marque, DS est ainsi en passe de préempter cette thématique face aux géants allemands du premium.
L'autre chantier est la refondation du réseau. Yves Bonnefont nous l'annonçait au dernier salon de Genève : mi-2018, le réseau Citroën ne commercialisera plus de DS. La marque voulait reprendre la main sur sa distribution pour faire de l'expérience client, une des valeurs cardinales de DS. Pas question de vendre des DS comme on vend une C1... Le tandem Bonnefond-Ribault a toutefois dû accélérer le déploiement d'un nouveau réseau et prévoit 500 points de vente DS d'ici la fin de l'année, contre 225 actuellement... Ce changement doit permettre à DS de mieux cibler sa clientèle à travers son réseau de DS Stores, des concessions de centre-ville à l'ambiance cosy. L'objectif est de s'installer dans les 170 villes les plus riches du monde (hors États-Unis). Pas question non plus de se lancer dans des campagnes publicitaires massives à la télévision : « nos clients sont en quête d'exclusivité », rappelle Arnaud Ribault. « Nous allons plutôt privilégier des canaux plutôt haut-de-gamme que ce soit dans la presse spécialisée, tandis qu'à la radio nous allons privilégier les matinales sur des fréquences soigneusement sélectionnées... » ajoute-t-il. La formation des vendeurs fait également l'objet d'un process bien précis. Chaque store se verra affecter un vendeur dit expert qui aura été sélectionné au terme d'une évaluation très précise sur ses connaissances techniques, mais également sur ses acuités comportementales. Il suivra ensuite une formation dans les plus grandes maisons de luxe de Paris dont un passage à l'école Van Cleef and Arpels, la célèbre maison de joaillerie très haut de gamme de la place Vendôme à Paris.

Un DS rénové prêt pour un plan produit ambitieux

Le transfert d'un réseau en propre va également permettre à DS d'assainir sa distribution. La capillarité du réseau Citroën impliquait de nombreux modèles d'exposition, mais également des stocks... « En Europe, nos facturations ont baissé de 44%, et les livraisons de 36%, la différence, c'est le déstockage », explique le patron du commerce.
Ainsi, DS aura tout revu et tout nettoyé lorsqu'il accueillera le DS7 Crossback : un réseau optimisé et assaini et une marque totalement rénovée comme deux leviers pour assurer le meilleur lancement d'un modèle très ambitieux... Les dirigeants de DS tiennent une batterie d'indicateurs pour parvenir aux objectifs. En quelques mots, l'ambition de la marque premium de PSA réside principalement dans la valeur intrinsèque du produit, qui dépend également du rayonnement de sa marque. De là doit découler plusieurs objectifs qui doivent se rapprocher le plus possible des standards des marques premium : la valeur résiduelle, le taux de conquête et de fidélité, la rentabilité unitaire...
Pour Arnaud Ribault, DS se situe parfaitement dans la trajectoire de cette ambitieuse feuille de route. « 69% de nos clients n'étaient pas propriétaires de Peugeot ou de Citroën avant d'acquérir une DS ou étaient déjà propriétaires d'une DS », avance-t-il. Et d'ajouter : « l'écart de prix de nos modèles s'est fortement réduit entre 2014 et notre « benchmark » de marques premium puisqu'il est passé de 14 à 3 points ».

Des moteurs hybrides pour des SUV puissants

Selon lui, après l'achèvement des fondations, DS s'apprête à lancer la seconde phase de sa reconstruction à savoir le plan produit. Puis une autre étape, non moins cruciale, doit arriver en 2019 avec l'arrivée des motorisations hybrides de 300 chevaux qui équiperont les versions 4X4 des SUV signés DS (on ignore encore combien la gamme en comptera...) et qui doit définitivement placer DS dans la galaxie des marques premiums. « Les versions électrifiées représenteront une part significative de nos ventes », avance sans sourciller Arnaud Ribault. À en croire son discours, le prix ne sera alors plus un frein pour un acheteur qui viendra chez DS puisque celle-ci aura assis sa légitimité premium.
C'est fort de cette conviction que l'homme affirme ne pas se laisser impressionner par les résultats commerciaux catastrophiques de la marque... Des ventes en baisse de 37% en Europe au premier semestre en Europe... Et de 60% en Chine, après avoir vendu seulement 15.000 voitures l'an passé... Peu d'investisseurs seraient prêts à miser un euro sur la marque. Mais pour PSA, la démarche de DS s'inscrit dans le temps long... N'en déplaise aux concessionnaires qui voient leur carnet de commandes fondre... Et puis, Arnaud Ribault l'assure, DS ne perd pas d'argent !

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